Les châteaux d'Eguisheim

 

 

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Maquette d'Eguisheim vers l'An Mil

Maquette réalisée par Roger Remy sur une analyse de Charles-Laurent Salch. Les différences de niveaux ont été exagérées pour des raisons pédagogiques.

 

 

LE CHÂTEAU DU XIe SIÈCLE

Le château construit vers l’an Mil par les comtes d’Alsace réutilise une fortification romaine. De l’établissement du IVe siècle, il reste la base d’une tour ovale (il y en avait deux, qui encadraient la porte).

Vers l’an 1000, les reliefs du socle rocheux étaient beaucoup plus accentués que de nos jours et les bâtiments s’étageaient sur trois niveaux. Sur la partie la plus élevée se dressait encore probablement un speculum, une vigie romaine, en tout cas c'est là qu’était bâti le logis comtal. Les maisons des serviteurs familiaux et des officiers étaient dans les mêmes parages, mais sur une plate-forme un peu plus basse. Les habitations des guerriers et les écuries étaient nettement en contrebas.

Vers l’an Mil, le château de Haut-Eguisheim est le principal centre de commandement des comtes dont les possessions s’étendent dans toute l’Alsace, du nord au sud, et débordent vers la Haute-Saône et la Lorraine. Entre 1049 et 1054, on y fonde la chapelle castrale Saint-Pancrace consacrée par le très illustre fils du comte Hugues, le pape Léon IX. Dès le dernier quart du XIe siècle, à la suite du mariage de l’une des héritières avec le comte de Vaudémont, le château devient une copropriété. Le centre de la seigneurie se déplace alors, avant 1090, vers le château de Dabo ou Dagsbourg (à 18 km au sud de Phalsbourg, Moselle, château qui n’est pas mentionné avant 1064).

 

LE CHÂTEAU DU MILIEU, Wahlenbourg

Le donjon du milieu est sur le point le plus élevé et c’est la tour la plus ancienne qui date vers le milieu du XIIe siècle. Il conserve le nom primitif de l’ensemble du château ; Wahlenbourg signifie en effet "château des Romains", nom qui fait référence à la construction du IVe siècle.

L’environnement du donjon a été profondément remanié à partir du XIIIe siècle. Au nord, la plate-forme primitive qui portait le palais comtal a été surcreusée d’un fossé. C’est un percement qui défend la tour contre celle du nord depuis 1200 environ ; il convient de bien regarder son profil, son escarpe et sa contrescarpe, car on peut ainsi restituer visuellement la forme originelle du rocher. A l’ouest, le rocher a été basculé et une partie de la tour s’est effondrée sans doute pendant la guerre vers 1200 ; à la suite de cette destruction, le plan de la tour a dû être diminué puisque la face ouest a été reconstruite en retrait sur un socle rétréci. Au sud, le rocher a également été abaissé pour asseoir un nouveau logis seigneurial au XIIIe siècle. Celui-ci a été restauré au XIVe siècle avec des angles arrondis sur la base angulaire plus ancienne. Une tour ronde dressée vers le sud montre que les deux châteaux de Wahlenbourg et de Weckmunt-Vaudémont ont été en guerre.

 

LE CHÂTEAU DU NORD, Dagsbourg-Dabo

En 1074, le comte Gérard, petit-neveu du pape Léon IX et chef de la famille des comtes d’Alsace, réside encore au château d’Eguisheim. Mais après 1070, le château devient une copropriété entre le comte Hugues VIII (mort en 1089) et sa nièce Helwige, épouse du comte Gérard de Vaudémont. Le centre de commandement bascule alors vers un autre château, au nord-ouest de l’Alsace, et Hugues se dit comte de Dabo. Olry ou Ulrich de Vaudémont, fils cadet de Helwige, hérite de la seigneurie alsacienne et relève vers 1125 le titre de comte d’Eguisheim. La seigneurie est donc partagée en deux parts l’une appartenant aux Eguisheim-Vaudémont, l’autre aux Eguisheim-Dabo. Mais on ne sait pas si dès lors le château, qui reste en copropriété, est déjà partagé matériellement.

Vers 1200, le morcellement intervient en tout cas. En 1197, le comte Albert de Dabo joue un rôle très actif dans la révolte des vieilles familles aristocratiques contre l’Empereur. Pour cette raison, Philippe de Souabe, le frère de l’empereur Henri VI, détruit en 1198-99 ses châteaux et parmi ceux-ci, celui de Haut-Eguisheim.

Il n’est pas impossible que la base en gros bossages du donjon du nord puisse dater du XIIe siècle et marquer ainsi un premier partage vers le milieu du XIIe siècle (mais cela n’est pas formellement établi et les gros bossages sont encore employés au début du XIIIe siècle, par exemple à Ottrott). Mais le morcellement, tel que nous le voyons actuellement, paraît postérieur à la destruction de 1199. En effet l’organisation du château nord en entité indépendante a demandé la construction d’un nouveau palais seigneurial. Celui-ci est édifié à l’extérieur de l’emprise primitive, sur une plate-forme aménagée artificiellement au nord et en contrebas du rocher. Les fouilles qui ont constaté la reconstruction de l’enceinte, le style roman tardif de la cheminée et des fenêtres (connues par d’anciennes photos) du palais, de même que l’élévation en pierres lisses du donjon, confirment une date du château nord après 1200.

 

LE CHATEAU DU SUD, Weckmunt-Vaudémont

En 1144, Olry comte d’Eguisheim-Vaudémont meurt sans enfant. Mais auparavant, il a adopté son neveu Louis, fils de sa sœur Stéphanie de Vaudémont mariée à Frédéric de Ferrette. Louis Ier, comte de Ferrette, est donc le petit-fils d’Helwige d’Eguisheim. Il hérite de la moitié de la seigneurie et du château, qui garde la qualification de "part de Vaudémont", tandis que l’autre moitié reste possession de la branche masculine qui maintenant se nomme d’après son château de Dabo.

Lors du partage matériel du grand château par le fossé intermédiaire creusé vers 1200 entre le château du nord et celui du milieu, la tour méridionale n’existe pas encore. L’espace où elle s’élève, plus bas de près d’une dizaine de mètres, était occupé par la basse-cour.

En 1225, lorsque la dernière descendante directe des comtes de Dabo-Eguisheim meurt, les comtes de Ferrette sont les plus proches héritiers et revendiquent la succession. Mais l’évêque de Strasbourg achète de vagues droits à d’autres parents et entre en guerre pour mettre la main sur des seigneuries qui sont généralement voisines des siennes. Il fait tout de suite envahir le château de Haut-Eguisheim par ses guerriers. Le comte de Ferrette se tourne alors vers le souverain, le roi Henri d’Allemagne ; il convient avec lui d’un acte d’association lui donnant la libre disposition du château. A cette occasion est construit le château octogonal de la ville d’Eguisheim, selon le modèle des châteaux impériaux. Le roi et le comte dressent aussi vers 1226-27 une tour de siège pour bloquer le château de Haut-Eguisheim occupé par l’évêque. Cette tour, à l’extrémité méridionale du site, est un très curieux édifice qui porte la marque architecturale des circonstances de guerre. Elle a été présentée dans une publication consacrée au déroulement des chantiers des châteaux-forts.

Lorsqu’en 1232 le comte de Ferrette et l’évêque font la paix, celui-ci a définitivement gagné la partie et conserve la part de Dabo. Le comte de Ferrette reste en possession de la part de Vaudémont dont le nom survit dans la tour de siège qui devient alors le donjon d’un troisième château.