WASIGENSTEIN |
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Le numéro spécial 42-43 (juin-septembre 2007) de la revue Châteaux-Forts d’Europe est consacré à une monographie détaillée d’archéologie monumentale du château-fort de Wasigenstein, commune d’Obersteinbach, canton de Wissembourg, dans le Bas-Rhin. Wasigenstein est un de ces curieux châteaux assis sur une très étroite barre rocheuse tombant de tous côtés en falaise, comme il en existe tant dans les Vosges alsaciennes du Nord. En réalité, des crêtes de ce type émergent de biens d’autres montagnes à travers l’Europe et les exemples sont célèbres (de Peyrapertuse à Kyffhausen en passant par les Baux et le Kufstein). Mais dans le Wasgau, leur densité est particulièrement élevée. Et, comme si les blocs n’étaient pas assez frêles, ils ont été rétrécis, surcreusés, transpercés, troués, remodelés, découpés, partagés par les générations qui s’y sont succédées. Beaucoup de ces rochers ne sont que des refuges. Mais certains d’entre eux, comme celui de Wasigenstein, ont servi d’assise à de savants plans militaires. Wasigenstein
naît pendant l’énorme crise, dite le Grand-Interrègne, qui agite le Saint-Empire
de Hambourg à Palerme sous le règne de Frédéric II de Hohenstaufen. Après 1240,
les châteaux impériaux en Alsace sont en grande partie perdus au profit de
l’évêque de Strasbourg et de quelques autres princes régionaux. Les chevaliers
de ces châteaux (ministeriales, officiers) se réfugient alors sur les marges et
défendent pied à pied d’improbables positions. Les affrontements terminés, ils
se font passer pour les seigneurs des places ainsi occupées et des territoires
alentours. C’est alors que commence l’investissement de tous les cailloux
disponibles, car on démembre parce qu’il faut chaser des puînés ; et aussi, les
nombreuses guerres locales donnent l’occasion d’y appuyer des châteaux de siège. A Wasigenstein, André et Vincent Lerch ont scruté chaque pierre et chaque trace dans le socle rocheux. Ils ont tout noté sur de précis relevés topographiques. Ils ont ainsi obtenu une vision totalement inédite du site. André Lerch a déployé son talent de dessinateur et de technicien du bâtiment pour restituer les diverses phases de l’histoire architecturale. On assiste ainsi vers le milieu du XIIIe siècle à la mise en oeuvre d’un habile plan militaire. Mais conditionné par l’urgence, on se satisfait pour l’essentiel de bâtiments en pans de bois à l’abri d’un éperon de bossages. Au début du XIVe siècle, lorsque le site est tronçonné en deux parts physiquement séparées par une faille, un maître d’oeuvre met en place une seconde fois un extraordinaire appareil militaire dans des conditions pourtant hasardeuses. Wasigenstein fournit un exemple spectaculaire de la manière dont des neveux, gendres et cousins arrivent à sectionner un rocher vertigineux que l’on croyait juste assez grand pour une position de guerre abritant un seul chevalier et sa famille. Ils parviennent aussi à distribuer une étroite basse-cour en rognant, remblayant, sectionnant, en abattant la montagne pour élargir le fossé et en gagnant sur la pente malgré sa grande déclivité. Ils dépensent tant d’énergie et de moyens qu’à la fin ils désertent le site par épuisement. Tout est alors réunifié par des héritiers lointains qui augmentent ainsi leur patrimoine forestier, mais qui, heureusement pour nous, ne sont plus intéressés par une nouvelle modernisation militaire.
94 pages, 95 illustrations, photos, gravures et plans et 20 planches hors texte
L'auteur : André LERCH
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